Décente citrouille
Envie de m’allonger sur le banc de ce bar comme sur le quai du port avec les clochards :
un renoncement à la décence de rester vertical en public quand je suis bancal en privé.
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Ça, c’est l’état neutre des rapports humains : l’indifférence mêlée de respect qu’on a pour autrui quand autrui boit — respect du droit de chacun à son espace de boisson.
Mais en fait non : le serveur gagne son pain, sa politesse est artificielle, conditionnée du moins ; l’ensemble de l’espace est régi par la loi du patron qui l’impose pour son bénéfice (pas de bagarres, ne pas déranger les autres pour qu’ils consomment tranquille) et repose sur la loi du pays au besoin.
Espace où les individus ne s’agressent pas non par respect les uns des autres mais de la loi qui nous permet de boire.
L’état neutre des rapports humains c’est l’agression.
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Quand on rencontre quelqu’un qu’on connaît, qu’on va laisser approcher de soi plus qu’on ne laisse les inconnus — à portée d’attaque :
alors, même si on le connaît bien mais juste au cas où, pour rappel, on lui montre les dents.
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Le rapport aux autres est fondé sur la peur que l’autre attaque.
On a tous la capacité d’attaquer.
Le crime, c’est de la prendre à son compte pour profit ou plaisir.
Ce dont on a tous le désir.
Et donc, puisque autrui alors désire ainsi nous attaquer, devoir de nous défendre.
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Le plus simple : se montrer loquace et à l’aise pour s’inscrire dans l’ordre social, qui protège la plupart du temps.
Seul, on compte sur ses propres ressources : ce sera trop d’effort de m’attaquer moi, suggestion indirecte d’en attaquer plutôt d'autres.
En restant ainsi seul et silencieux, plutôt que de jouer l’ordre social, je représente un danger pour les autres qui le savent et bien me le rendent.
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Je ne peux donc pas m’allonger sur ce banc.
(Prague, 10/1/12)