Sept arbres (2011)

Le premier

au-dessus du terrain de pétanque à côté de celui de jeux le long de celui de football communal en contrebas de la mairie ce marronnier aux fruits verts qui pendouillent parmi des feuilles à demi mortes était il y a un instant, celui de bien décrire sa situation, un essaim inattendu d’abord, révélé par après le premier frémissement visible des chants discrets comme un murmure de petits oiseaux-mouches ou moineaux qui emplissaient la frondaison de leurs voltiges picorants alors qu’un ou deux déjà s’éloignaient

instant où l’arbre était essaim vide le temps de le dire

celui du bout de l’allée —

seize marronniers de chaque côté de l’étroite route en goudron font un couloir ombragé du portail qui vient de la forêt en remontant vers la mairie (qui perpendiculaire fait face à la vallée de la Loire c’est donc une entrée secondaire) — tout seul en plein sur l’axe central par où l’on remonte tout lapidé comme toujours

derrière lequel un autre attire dès qu’on y arrive l’attention plus gros et sombre à moitié mort picoré par les pics-verts

la mairie sonne l’heure deux secondes avant l’église de St-Jean-des-Mauvrets

dans un grand bruit de copulation

au coin du terrain de foot on le voit de loin le seul parmi la rangée qui borde l’autre côté du mur à roussir déjà en plein été

du coin opposé vient le murmure d’un plus petit de la même espèce jeune et vert et le vent ruisselle dans ses feuilles en pleine santé

ailleurs deux tourterelles s’accouplent dans un bruit de branches cassées

plus loin un pic-vert travaille

deux chiens aboient dans le lointain se répondent

les moineaux pépient

un papillon en poursuit un autre

une mouche bourdonne

le mort

depuis longtemps ses racines pourries sont des moignons moussus sa souche un fouillis grumeleux qui mêle aux brindilles sèches les jeunes pousses

une toile d’araignée tendue et blanche fait un linceul à l’instant

les pas qui dans le gravier s’approchaient à présent se sont tus

le tronc noirci n’a plus d’écorce que quelques plaques craqueleuses à la base et près d’un nœud à mi-hauteur après lequel le maquis recouvre le peu qu’il reste de la cime

au bord du chemin le temps passe encore demeure l’arbre abattu

une souche

entourée d’un halo où l’herbe ne pousse pas où quelques brins jaunis demeurent des feuilles rouges au creux d’une racine une écharpe de liseron vert vivace

une bordure d’écorce noircie au-dessus déchiquetée sur les côtés le bois jauni et blanc dans les morsures brun et pluvieux autour

au centre l’éplat grisâtre où les anneaux des années strient le relief tanné de la coupe — comme les frises dans les églises qui racontent l’histoire de France — avec sa fente démesurée

pendant vers le sol

c’est un grand conifère et peut-être mélèze au fort tronc droit d’où pendent lourdes et souples comme des trompes d’éléphant les branches nues jusqu’au bout où des bouquets d’épines foisonnent un long manteau d’été d’un vert taché de pointes rousses, comme au col d’une princesse une rangée de queues de lièvre

ou de renard en haut le tronc percé abrite un pic-vert ou deux en bas les branches celles qui touchent terre abritent un églantier ou deux les fleurs d’un rose sombre

le petit

dont une feuille orange seule et la plus basse s’échappe : il est tenu par un cadre deux piquets une éclisse transversale un panonceau annonçant sans doute la variété l’occasion de sa plante plus ou moins solennelle ; les branches frêles vacillent selon un plan bien ordonné l’enthousiasme des débuts

le bruit de la pluie commence plus loin l’avenir est au bord des chemins